Les peuples autochtones du monde entier sont confrontés à des différences injustes en matière de santé, notamment en ce qui concerne les soins et le traitement de l’arthrite. Au Canada, des chercheurs ont constaté que les populations autochtones sont confrontées à des taux d’arthrite plus élevés et à des symptômes plus graves que les populations non autochtones.
Plus précisément, les populations autochtones du Canada font face à :
- Des taux plus élevés de maladies arthritiques inflammatoires telles que le lupus, la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante1.
- Un taux de mortalité plus élevé pour le lupus et ses complications par rapport aux patients caucasiens2.
- Des pronostics plus sombres dans les cas de polyarthrite rhumatoïde précoce que chez les patients caucasiens. Cela signifie une amélioration plus lente de la douleur et du gonflement et moins de chances de parvenir à une rémission (c’est-à-dire de maîtriser la maladie)3.
L’augmentation des taux et de la gravité de l’arthrite rend particulièrement important l’accès à des soins et à des médicaments efficaces. Toutefois, la recherche a mis en évidence le fait que de nombreux autres obstacles empêchent les populations autochtones d’accéder à ces services.
Barrières géographiques
En premier lieu, il existe certaines barrières géographiques liées à l’endroit où les gens vivent et à la localisation des fournisseurs de soins de santé. Par exemple, les patients qui vivent dans des réserves et/ou des collectivités rurales doivent souvent parcourir de longues distances pour recevoir des soins spécialisés. Les soins spécialisés pour l’arthrite comprennent des rendez-vous avec des rhumatologues et autres professionnels de la santé tels que des ergothérapeutes ou des physiothérapeutes. Ils sont le plus souvent situés dans les grandes villes. Les transports peuvent être longs, coûteux et rendus plus difficiles par le mauvais temps4.
Une étude menée par des chercheurs de l’Université de Calgary a révélé qu’il existe également des contextes sociaux importants qui ont un impact sur l’accès aux soins des populations autochtones5. Les chercheurs ont interrogé des patients autochtones souffrant d’arthrite ainsi que divers professionnels de la santé en Alberta, au Canada. Bien que l’étude soit de taille limitée, elle fournit un aperçu crucial des obstacles aux soins de l’arthrite et a contribué à étayer un certain nombre d’autres projets dans ce domaine. Les principales conclusions sont présentées ci-dessous.
S’endurcir au contact de l’arthrite et autres défis de la vie
De nombreux patients participant à cette étude avaient dû « s’endurcir » devant les symptômes de l’arthrite en raison d’expériences passées de racisme dans les soins de santé et/ou d’autres défis de la vie auxquels ils étaient confrontés. Certains vivaient avec de graves problèmes de santé, comme le cancer, ou soutenaient des membres de leur famille et des amis aux prises avec une dépendance, des problèmes de santé mentale ou d’autres maladies. En choisissant de donner la priorité aux besoins de la famille, des amis et de la collectivité, certains participants attendaient plus longtemps pour voir un spécialiste de l’arthrite ou manquaient parfois des rendez-vous.
Les auteurs de l’étude soulignent que, bien que cela puisse empêcher les personnes de se faire soigner, le fait de « s’endurcir » face aux événements douloureux de la vie et de donner la priorité à la famille et à la collectivité « fait partie des comportements qui ont permis aux peuples autochtones de résister à la répression, à l’oppression et aux tentatives répétées d’assimilation » 5 (Page 8).
Déconnexion préjudiciable entre les fournisseurs de soins de santé et leurs patients
L’un des principaux problèmes qui est ressorti de cette étude est que les fournisseurs de soins de santé se sentaient souvent frustrés et faisaient des suppositions sur les raisons pour lesquelles les patients manquaient leurs rendez-vous ou attendaient si longtemps pour obtenir des soins spécialisés. Les fournisseurs de soins de santé avaient tendance à croire que les patients autochtones n’adhéraient pas aux soins de l’arthrite et que leurs actions ou inactions personnelles entraînaient des symptômes plus graves. Ils avaient aussi tendance à penser que les patients n’en savaient pas assez sur l’arthrite, qu’ils n’appréciaient pas les rendez-vous avec les spécialistes ou qu’ils ne pouvaient pas surmonter les obstacles matériels pour s’y rendre (comme le transport).
Les chercheurs affirment que ces suppositions, même si elles sont bien intentionnées, peuvent être très néfastes. D’une part, elles contribuent à créer des tensions entre le fournisseur de soins de santé et le patient, ce qui a un impact sur leur relation dès le premier rendez-vous. D’autre part, elles renforcent les stéréotypes négatifs sur les Autochtones en présumant de la faiblesse des individus et des collectivités autochtones. Ces expériences négatives ont eu un impact sur les décisions des participants de chercher à obtenir des soins supplémentaires. Les auteurs concluent que « les suppositions faites par les fournisseurs de soins de santé conduisent à des stéréotypes et au racisme et renforcent le rejet des soins de santé par les patients » 5 (Page 1).
Préjugés raciaux implicites: Les fournisseurs de soins de santé de cette étude ont fait preuve de préjugés raciaux implicites. Il s’agit de faire inconsciemment des suppositions sur une personne en fonction de sa race. En d’autres termes, nous apprenons certains stéréotypes tout au long de notre vie, puis les associons inconsciemment aux personnes que nous rencontrons. Nous avons tous des préjugés implicites qui existent à notre insu. Cependant, il est de notre responsabilité d’éliminer ces préjugés et de les désapprendre. Cela est particulièrement important pour les carrières qui nous mettent en position de pouvoir (policier, fournisseur de soins de santé, éducateur, politicien) car ces préjugés peuvent avoir un impact profond sur les autres.
Améliorer le système
Cette étude, entre autres, a démontré que l’amélioration de l’équité nécessite des environnements de soins de santé plus sûrs sur le plan culturel. Depuis de nombreuses années, les chercheurs travaillent avec les fournisseurs de soins de santé et les collectivités autochtones pour contribuer à développer davantage de ces espaces et à améliorer l’accès aux soins.
Par exemple, les chercheurs du centre Arthrite-recherche Canada ont établi des partenariats avec les collectivités autochtones de Haida Gwaii ainsi qu’avec celles desservies par le conseil de district de Kwakiutl sur l’île de Vancouver. Leur objectif est d’élaborer et d’évaluer un programme de mieux-être pour les personnes atteintes d’arthrite et leurs familles, qui soit basé sur la famille et culturellement significatif. La Dre Diane Lacaille, chercheuse principale, parle du programme de mieux-être pour les personnes atteintes d’arthrite dans cette entrevue #CRArthritis.
Aller au fond des choses: La Dre Cheryl Barnabe fait partie des principaux chercheurs de l’étude sur l’accès aux soins, parmi d’autres études citées dans cet article. Chercheuse principale au centre Arthrite-recherche Canada et professeure associée aux départements de médecine et des sciences de la santé communautaire de l’Université de Calgary, elle travaille à l’intégration de l’équité dans les lignes directrices canadiennes en matière de soins rhumatologiques. Il s’agit là d’une étape importante pour répondre aux besoins en matière de soins de santé de divers groupes de patients, au lieu d’une approche « taille unique ». Les peuples autochtones sont inclus comme un groupe de population clé dans ce projet. Apprenez-en plus dans cette entrevue #CRArthritis.
Les chercheurs affirment généralement que les déterminants sociaux de la santé (tels que la race/le racisme, le revenu et l’accès aux ressources) sont des éléments essentiels pour expliquer les inégalités en matière de santé. Pour en savoir plus sur les déterminants sociaux de la santé, lisez le premier article sur les Inégalités en matière de santé dans le domaine de l’arthrite et ailleurs du comité ACE.
Références (en anglais seulement)
- C. McDougall, K. Hurd, C. Barnabe Systematic review of rheumatic disease epidemiology in the indigenous populations of Canada, the United States, Australia, and New Zealand. Semin Arthritis Rheum, 46 (5) (2017), pp. 675-686
- K. Hurd, C Barnabe. Mortality causes and outcomes in Indigenous populations of Canada, the United States, and Australia with rheumatic disease: a systematic review. Semin Arthritis Rheum, 47 (4) (2018), pp. 586-592
- Nagaraj, S., Barnabe, C., Schieir, O., Pope, J., Bartlett, S. J., Boire, G., Keystone, E., Tin, D., Haraoui, B., Thorne, J. C., Bykerk, V. P., & Hitchon, C. Early rheumatoid arthritis presentation, treatment, and outcomes in aboriginal patients in canada: A canadian early arthritis cohort study analysis. Arthritis Care & Research, 70(8) (2018). 1245–1250. https://doi.org/10.1002/acr.23470
- Lehman, L., Avina-Zubieta, A., Peschken, C. Narrowing the Gap: Experiences with Indigenous Peoples in Canada. Arthrite-. (2010). https://www.arthritisresearch.ca/videos/lupus-conference/narrowing-the-gap-experiences-with-indigenous-peoples-in-canada/
- Thurston, W. E., Coupal, S., Jones, C. A., Crowshoe, L. F., Marshall, D. A., Homik, J., & Barnabe, C. Discordant indigenous and provider frames explain challenges in improving access to arthritis care: A qualitative study using constructivist grounded theory. International Journal for Equity in Health, 13(1) (2014) https://doi.org/10.1186/1475-9276-13-46
- Lacaille, D. et al. Arthritis Wellness Program for Aboriginal People – Kwakiutl District Council. Arthrite-recherche Canada. (2017) https://www.arthritisresearch.ca/research/arthritis-wellness-program-for-aboriginal-people-kwakiutl-district-council-2/
- Lacaille, D. et al. Arthritis Wellness Program for Aboriginal People – Haida Gwaii. Arthrite-recherche Canada (2017). https://www.arthritisresearch.ca/research/arthritis-wellness-program-for-aboriginal-people-haida-gwaii-2/